vendredi 8 septembre 2017

Boucicaut : nature, ou pas ?


En 2002, Claudie et Bruno Bilancini avaient acheté un petit domaine à Pomerol (0.6 ha). Bruno avait pu alors sortir un peu de l'univers du liquoreux pour aborder la vinification et l'élevage des vins rouges.  Ce qu'il avait fait à l'époque peut paraître presque banal aujourd'hui, mais c'était alors révolutionnaire : aucune extraction, que ce soit par remontage ou pigeage (juste un léger "mouillage du chapeau" comme on dit). Par contre, une longue durée de macération – une quarantaine de jours –  jusqu'à ce que les raisins aient libéré tout ce qu'ils avaient à donner. Aussi n'était-il même pas la peine de pressurer en toute fin : Bruno ne gardait que le vin de goutte.  Il en résultait un vin très doux en bouche, complexe aromatiquement, qui avait du fond sans en avoir l'air. J'ai eu la chance d'en boire un qui avait plus de 10 ans : il était loin d'être en fin de course (pour quelques infos, vous pouvez aller ICI).

L'aventure n'a pas duré, car la période de vinification des rouges correspondait à celle des vendanges à Tirecul la Gravière où Bruno surveille le pressoir comme le lait sur le feu (une partie de la qualité des liquoreux du domaine vient de la maîtrise du pressurage). Et l'air de rien, il y a deux heures de trajet aller-retour entre Monbazillac et Pomerol. Le mini-domaine a donc été revendu à un gros qui l'a intégré à son parcellaire.

Mais l'envie de produire des vins rouges était toujours bien là. Aussi a-t-il saisi l'opportunité lorsqu'on lui a proposé l'année dernière 6 hectares de vignes à l'extrême sud de l'appellation. Un terroir quasiment lunaire. Non par ce qu'il aurait été désherbé sauvagement, mais parce que le calcaire y affleure en de nombreux endroits et qu'il y a de la caillasse blanche un peu partout. 


Parce que sinon, à l'instar de Tirecul la Gravière, ce nouveau domaine est désormais conduit en bio certifié, et aura le label une fois la conversion terminée.

Bruno a identifié des lots très différent les uns des autres en terme de combinaison cépage/âge de la vigne/sol. Il a produit dès la première quatre cuvées différentes, voire cinq –  la décision sera prise à la fin de l'élevage. Pour  l'instant, il n'y en a que deux qui sont mises en bouteille. Les autres reposent encore dans le chai à barrique de Tirecul. 

J'avais dégusté en avant-première Boucicaut et Boucicaut nature à la fin du printemps. À l'époque, le Nature avait mieux supporté sa mise en bouteille. Il était rond, gourmand, très expressif. Alors que le "normal" était plus serré. La dégustation d'hier montre que les choses se sont inversées : Le "normal" s'est ouvert alors que le "nature" s'est refermé. Nous vous conseillons d'attendre qu'il passe l'hiver pour le déguster. Par contre, il vaut mieux l'acheter maintenant car nous n'en aurons plus d'autre : il n'y en a plus une bouteille de disponible au domaine. 

Précisons tout de même que le "normal" pourrait quasiment être considéré comme un vin nature : il ne contient que 25 mg/l de SO2 total. 



La robe est pourpre sombre opaque, faisant songer à de l'encre violette.

Le nez est très expressif et gourmand, sur la crème de fruits noirs et les épices douces. Et puis une touche de benjoin.

La bouche est ronde, veloutée, avec une belle tension, un fruit mûr et généreux, mais les tanins prennent assez vite le dessus. 

La finale est ferme, serrée, mais j'oserais dire : pas plus que de nombreux vins rouges solides du Sud-Ouest (Madiran, certains Cahors, Buzet...). Mais néanmoins, je trouve dommage de le boire dans cette mauvaise phase. Patience... 


Boucicaut 2016 (9.50 €)

La robe est pourpre sombre violacé, mais plus translucide.

Le nez est plus en retrait, même si la gamme aromatique est proche (fruits noirs bien mûrs/épices). Il y a aussi une odeur de jus de raisin, ce qui n'est pas si courant dans un vin.

La bouche est plus longiligne, avec une matière plus souple, entre soie et velours, du fruit et de la fraîcheur à revendre. C'est très bien équilibré, vivant ... presque nature, quoi (dans le bon sens du terme). 

La finale est plus "Bergerac" avec une mâche solide. Ceci dit, on est dans le bien mûr. Avec un plat de cuisine du Sud-Ouest, les tanins vont se fondre instantanément, apportant juste une belle assise au vin. 

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